Réponses à un pro-nucléaire
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Donner la parole à un pro-nucléaire, Jean-Paul Crochon, ex-bressuirais, pourquoi pas ? Mais à 3 mois d’intervalle lui permettre de vanter son dernier livre «  Réussir les projets nucléaires et environnementaux » exigeait de répondre à des amalgames, à des mensonges. Certes son livre entre dans le cadre d’une hypocrisie flagrante du lobby nucléaire, d’EDF et d’AREVA, voire du gouvernement Macron : à savoir que la lutte contre le changement climatique passe par le développement de l’électricité nucléaire. Rien moins.

UNE FILIÈRE QUI GÉNÈRE DU GAZ À EFFET DE SERRE

On sait que 75% des émissions mondiales de gaz à effet de serre proviennent de secteurs sans aucun lien avec l’électricité. : agriculture, exploitation forestière, industrie, transports routiers et aériens… D’autre part, si la filière nucléaire rejette moins de gaz à effet de serre que le charbon, elle en produit tout de même : construction durant presque 10 ans et démantèlement des réacteurs, extraction de l’uranium, transport et fabrication du combustible, gestion des déchets… Ne faut-il pas 3 années de fonctionnement à une centrale pour « éponger » le CO2 émis ? Des économistes ont calculé qu’il faudrait mettre en service 2 réacteurs / mois pendant 20 ans pour faire baisser de 4% les gaz émis par le charbon , soit 500 réacteurs: totalement impossible !
NON LE NUCLÉAIRE NE SAUVERA PAS LE CLIMAT !

CLARIFIER LE GIEC ET LE NUCLÉAIRE

Le GIEC, ce groupement international (195 pays) de scientifiques qui analyse et alerte sur le dérèglement climatique, bien qu’organisme ne s’affirmant pas anti-nucléaire, travaillant au consensus, a dans son rapport d’octobre 2018 indiqué clairement que le nucléaire est une option marginale pour maintenir le réchauffement à 1,5 ° C en 2050. Contrairement aux commentaires des pro-nucléaires, le GIEC relativise le potentiel de développement du nucléaire en recensant de nombreux impacts négatifs comme la gestion des déchets de la filière, les risques d’accident, les coûts exorbitants de la gestion de ces déchets nucléaires et du démantèlent des réacteurs, la pollution et les impacts sanitaires des mines d’uranium, la consommation importante d’eau et l’impact des rejets d’eau chaude sur les milieux. Ce rapport du GIEC compte surtout sur la « décarbonatation » des transports, le développement des énergies alternatives, les économies d’énergie…

NE PAS OCCULTER DEUX CATASTROPHES MONDIALES

Les pronucléaires minimisent aussi les deux catastrophes de Tchernobyl et Fukushima car cela n’arrivera pas en France où la sécurité maximale est assurée !

L’explosion de Tchernobyl date du 26 avril 1986 et atteint le niveau maximal 7. Dans ce pays de l’Ukraine soviétique, près de la Biélorussie, où l’information est cadenassée, on annonce 47 morts directs et 4000 victimes indirectes. Quand on sait que parmi les radio nucléides relâchées, le césium 137 a une durée de demi-vie durant 30 ans, on mesure l’ampleur des contaminations radio-actives sur les populations avoisinantes. N’avance-t-on pas 1 million de personnes concernées, ainsi que des malformations chez les nouveaux-nés, des modifications génétiques sur la flore et la faune ? Quant au déplacement du nuage de Tchernobyl sur l’Europe du 26 avril au 10 mai, le plus risible en France a été l’intervention du professeur Pellerin :« le nuage s’est arrêté à nos frontières ! » Quand on sait qu’aujourd’hui, le site est devenu un lieu touristique, !!!

La catastrophe japonaise de Fukushima -Daiichi est plus récente, 11 mars 2011, elle aussi de niveau 7. Si les causes sont différentes ( en particulier le tsunami causé par un séisme), ses conséquences sont aussi catastrophiques : 2000 décès imputables, des centaines de milliers de personnes évacuées, des milliers d’hectares contaminés et…2 millions de personnes à suivre médicalement durant 30 ans… sans compter les centaines de milliards de yens à payer par l’entreprise TEPCO.

D’AUTRES ACCIDENTS GRAVES AVAIENT DÉJÀ EU LIEU 

Citons parmi eux la fusion du réacteur de la centrale de Three Mile Island aux USA (Pensylvanie) en 1979. Aux USA, officiellement « aucun décès, blessures ou effets néfastes »; mais un chercheur de l’Université de Caroline du Nord annonça un « taux de cancers du poumon 2 à 10 fois plus élevé dans les zones irradiées ».

Quant à la France, nation la plus nucléarisée de la terre (19 centrales avec 58 réacteurs), aucune catastrophe nucléaire mais des incidents, dont certains très graves, diffusés par l’ASN (Autorité de Sureté Nucléaire) ou l’IRSN (Institut de Recherche de Sûreté Nucléaire). Citons, parmi de nombreux autres, l’inondation survenue à Blayais (27 et 28 décembre 1999), ou la fuite d’eau du circuit de refroidissement à Civaux 1 ( 12 mai 1998) ; ou les soudures des tuyauteries pour fatigues thermiques à Chinon B2 (fin 1999, rapport de la DSIN ).

LE FLEURON DE L’EPR DE FLAMANVILLE : UN FIASCO TECHNIQUE ET FINANCIER

C’est l’ASN, bien qu’avertie avec 2 ans de retard en 2017, qui exige : les 8 soudures de l’enceinte de confinement doivent être réparées, une opération très complexe.

Le résultat est annoncé par le rapport de Jean-Martin Folz le 8 octobre 2019 : retards et surcoût. Ainsi la mise en service prévue en juin 2012 est au mieux repoussée en 2023. De 3,3 milliards début 2007, on atteint 12,4 milliards (près de 4 fois plus!).. Et qui va payer ? Les clients-consommateurs d’électricité d’EDF et l’Etat Français. Le rapport ajoute une « kyrielles d’éléments négatifs » : fissuration dans le béton du radier, mauvais ferraillage, nids de cailloux dans le béton de la piscine, mauvaises soudures sur le pont polaire, défauts sur la cuve… « C’est un échec ! »

Qu’en est-il de cet EPR à l’étranger ?
En Finlande, c’est en 2005 que débute le chantier pour 3 milliards d’€ avec mise en service en 2009 sachant que, s’il y a du retard, c’est AREVA qui le prendra en charge (450 millions d’€ actuellement) car le coût initial a été multiplié par 3. Mais plus graves, c’est l’accumulation des malfaçons ciblées par l’opérateur et l’organisme de sûreté finlandais (plus de 700 dysfonctionnements et anomalies).

En Angleterre, le contrat signé en 2016 avec EDF, apparaissait coûteux et suicidaire au sein d’EDF à tel point que le directeur financier a démissionné. Et les consommateurs britanniques protestent car, en fixant le prix de rachat de 105 € / Mwh durant 35 ans, le coût dépasse celui de l’électricité sur les marchés européens. De plus fin septembre 2019, EDF annonce que le chantier coûtera plus cher que prévu : 25,2 à 25,8 milliards d’€. Le litige est en cours.

Et en Chine, c’est un appel d’offres pour 6 réacteurs nucléaires à Taishan où EDF emporte le marché confié à une co-entreprise (électricien chinois CGNPC, EDF pour30% et Province de Guangdong). Travaux lancés en 2009, réacteurs mis en service en 2018-2019 avec un retard de 5 ans et un dépassement de 60% du budget prévu. De plus, ces réacteurs n’échappent pas aux questionnements de sûreté, l’ASN souhaitant une collaboration sans succès sachant que les cuves sont affectées du même défaut qu’à Flamanville.

Un constat que ces constructions d’EPR à l’étranger, censées augmenter les compétences techniques, ne sont qu’un fiasco financier et au niveau de la sûreté.

QUID DES DÉCHETS ATOMIQUES ?

Faut-il rappeler que la première lutte victorieuse contre l’enfouissement des déchets nucléaires dans le granite a eu lieu à Neuvy-Bouin en Gâtine, près de Bressuire ? Combats populaires de 3 ans de 1987 à 1990 et site abandonné définitivement en 1993  Sur les lieux convoités par l’ANDRA (Agence Nationale pour les Déchets Radio Actifs), il reste un dernier site dans l’argile de l’Aisne : BURE et le projet CIGEO.Mobilisations, recours juridiques…mais répression brutale des opposants ; malgré l’arrêt des travaux demandé par le Tribunal de Bar-Le-Duc en 2016, confirmé par la Cour d’Appel en 2017, l’ANDRA continue les travaux !!!

QUELLE CONCLUSION ?

On peut douter de l’objectivité de Jean-Paul Crochon qui a créé son agence de conseil : « Crochon Nuclear Consulting » et a travaillé pour des installations nucléaires françaises ou à l’étranger dont la Chine, pays dictatorial où la contestion est interdite ! De plus, et c’est son droit, Jean-Paul Crochon est membre de la SFEN (Socité Française de l’Energie Nucléaire) qui agit pour promouvoir l’énergie atomique.

Alors quand Jean-Paul Crochon veut vanter le nucléaire, « rétablir les vérités », c’est affirmer que le nucléaire ne sauvera pas le climat, que les énergies renouvelables progressent chaque jour, en particulier pour le stockage de l’électricité, et que, maintenant leur coût du Kw/h va être inférieur au nucléaire…en évitant les gros risques.

Anne-Marie Rousseau
Norbert Béalu
Jean-Michel Marcadet
Cyril Pouclet
Claude Voué